Dans cette rubrique, nous proposons cent petits textes, un par année, consacrés à la vie des livres et des écrivains, en France, au XXe siècle. Ces textes ont été publiés pour la première fois dans les Agendas de la Pléiade entre 2002 et 2011. Les événements qu’ils mettent en lumière ont certes été choisis en fonction de leur importance, immédiate ou différée, mais aussi, mais surtout, pour le plaisir d’évoquer un livre ou un auteur attachant. Leur republication simultanée ne forme donc pas une histoire littéraire du XXe siècle en cent chapitres : tout au plus une promenade en cent étapes, arbitraires et facultatives.
1985
Le 17 octobre à 13 heures, la nouvelle tombe : le prix Nobel de littérature 1985 est attribué à Claude Simon. À la troisième ligne du communiqué, avant même que ne soit caractérisée l'œuvre du lauréat, figure la formule attendue : «nouveau roman» ! (Elle occupera la même place dans le discours du secrétaire perpétuel de l'Académie suédoise, le jour de la remise du prix.) Alain Robbe-Grillet est d'ailleurs en embuscade à la cinquième ligne. Faulkner et Proust, «les avant-coureurs», sont ex æquo aux alentours de la douzième ligne, ce qui n'est pas si mal : Dostoïevski, lui, est presque enterré au milieu du deuxième paragraphe.
Parution le 26 Septembre 2024
1328 pages, Prix de lancement 69.00 € jusqu'au 31 12 2024
À quel moment un livre est-il fini ? Quand son auteur décide qu’il l’est. Rigodon devait avoir la même longueur que D’un château l’autre et Nord, mais Céline modifie ses plans : l’instinct, peut-être.
Eugène Ionesco écrit et fait représenter Délire à deux, publie un recueil de six récits, La Photo du colonel, compose une nouvelle pièce, Le Piéton de l'air, donne une conférence sur « L'Auteur et ses problèmes », fait paraître Notes et contre-notes, recueil d'articles et de textes de conférences dans lequel il expose ses idées sur la littérature, sur le théâtre, sur ses propres œuvres. En outre il voyage : Düsseldorf, où Le Piéton de l'air est créé au Schauspielhaus, Édimbourg pour le festival, Tel-Aviv, et Jérusalem, dont l'université l'accueille à l'occasion d'une conférence.
Sa santé est mauvaise, mais ce n'est pas nouveau, et Jean Cocteau ne se ménage pas outre mesure. L'année précédente, on a pu le voir à Munich, où il présente L'Aigle à deux têtes, à Auron, à Menton, à Fréjus, où il assiste à une corrida en compagnie de Picasso, à Metz, à Bruxelles, où il intervient au nom de l'Académie française lors du centenaire de Maeterlinck, à Vevey, où il enregistre avec Igor Markevitch l'Histoire du soldat de Ramuz et Stravinski…
L'édition originale des Mots de Sartre est publiée en janvier chez Gallimard. « C'est l'histoire — la mienne — d'un homme de cinquante ans, fils de petits-bourgeois et qui avait neuf ans à la veille de 1914 et se trouvait déjà marqué par ce premier avant-guerre. » Parmi les premières réactions, celle de la mère de l'auteur : « Poulou n'a rien compris à son enfance. »
Les critiques sont déconcertés, ce qui est parfois bon signe. Pas d'attaques frontales : l'écrivain est important. «Sacré farceur, un peu magicien… Un peu longuet aussi, parfois. Mais doit-on vraiment s'en plaindre ?» (M. Galey, Arts, juin.) «Un jeu intellectuel, soit. Rien qu'un jeu, coq-à-l'âne et calembours. Mais drôlement rafraîchissant» (M. L., Le Canard enchaîné, juillet). «Où sommes-nous ? Que veut Queneau ?» (J. Chessex, La N.R.F., septembre.)
La compagnie Renaud-Barrault joue Les Paravents de Jean Genet à l'Odéon-Théâtre de France, dans une mise en scène de Roger Blin.