Défini par André Breton comme « un certain automatisme psychique qui correspond assez bien à l’état de rêve, état qu’il est aujourd’hui fort difficile de limiter », le surréalisme aurait aujourd’hui cent ans. À la vérité, il peut passer pour beaucoup plus vieux. Il a en effet sa généalogie, dans laquelle Breton enrôle les plus illustres et les plus inattendus des esprits d’autrefois, « à commencer par Dante et, dans ses meilleurs jours, Shakespeare », sans oublier Sade, Chateaubriand, Hugo et d’autres : l’histoire du surréalisme se confond avec celle de l’esprit dans ce qu’il eut toujours de meilleur, de plus inventif et de plus ambitieux. Mais il est aussi plus jeune : Breton ne veut pas se détourner du présent, et il entend façonner le futur. Textes de combat, les Manifestes constituent pour lui l’œuvre d’une vie, une sorte de work in progress, tentative à jamais inachevable de définir et de redéfinir le surréalisme dont il avait, avec d’autres, inventé la formule et initié le mouvement. L’édition la plus complète des Manifestes paraît en 1962. Toutes ses composantes ont été reprises dans ce « Tirage spécial », et l’on y a joint quelques-uns des écrits qui les éclairent et les prolongent. Ainsi construit, l’ensemble fait apparaître à la fois la formidable cohérence et l’extraordinaire mobilité de la pensée de Breton, la perpétuelle diversité des objets qu’elle se donne et le caractère constant des convictions qu’elle exprime.