«Lire Mr. James», disait l'un de ses contemporains, «c'est faire l'expérience d'un plaisir spirituel léger et continu. C'est être intellectuellement émoustillé.» James avait renié sa première tentative romanesque, Le Regard aux aguets, qui date de 1871. Mais quelques années lui suffirent pour devenir un maître. Les quatre ouvrages réunis dans ce volume donnent la pleine mesure de cet accomplissement.
L'«éblouissante agilité mentale» de James transparaît dès Roderick Hudson (1875),
qui relève déjà du «thème international». Tout en se dégageant de «la grande ombre de Balzac», l'histoire tragique de la chute de Hudson, sculpteur américain emmené à Rome par un mécène devenu son ami, doit encore beaucoup au mode allégorique dont Hawthorne avait fait sa marque de fabrique. Trois ans plus tard, Les Européens plonge le lecteur dans une comédie humaine aiguisée par le tranchant de l'ironie. Toujours sous le signe des échanges transatlantiques, mais en un mouvement inverse à celui du «Grand Tour», deux Américains européanisés regagnent leur pays d'origine pour nouer des liens (intéressés) avec leurs cousins de Nouvelle-Angleterre. Dans cette pastorale ironique, le choc des cultures entre la séduisante baronne Münster, son frère artiste et bohème, et leurs parents puritains donne lieu à des scènes où l'humour le dispute au sérieux.
Les romans de James ne cessent de poser de manière complexe et ambiguë la question des rapports entre Europe et Amérique. Le thème international est au second plan dans Washington Square (1880) dont l'action se déroule majoritairement à New York, et qui offre déjà un portrait de femme paradoxal et poignant, celui d'une héroïne à l'avenir brisé par les atermoiements d'un chasseur de dot et la lucidité cruelle d'un père déterminé à l'en protéger. Mais l'exploration des parcours transatlantiques reprend avec Un portrait de femme (1881). Farouchement attachée à son indépendance, Isabel Archer quitte les États-Unis et fait son éducation sentimentale en Angleterre, puis en Italie. Lorsqu'il aborde ce roman, qui sera plus ample que les précédents, James a assimilé les leçons de Jane Austen, Balzac, George Eliot, Hawthorne ou Tourgueniev. Salué à sa parution comme un chef-d'œuvre, le livre déconcerta pourtant. Peu de critiques mesurèrent la complexité de ce «monument littéraire» érigé autour de la figure d'une «jeune fille affrontant sa destinée» – architecture où l'entrecroisement des points de vue, le réseau des images et les modulations de la voix cernent au plus près le véritable sujet : le déploiement secret d'une conscience née de l'expérience même du désastre, de l'erreur et du malheur. Chez James, les héroïnes éprises de liberté payent toujours leurs illusions au prix fort – celui du renoncement et de la douleur.
La Pléiade accueille les premiers romans de Henry James, dans de nouvelles traductions. Déjà fin connaisseur de l'âme humaine, déjà éblouissant.
Nathalie Crom, Télérama (9-15 juillet 2016)
« Et si on passait l'été avec Henry James ? Apres avoir donne, en quatre volumes, l'intégralité des nouvelles de ce géant transatlantique - né en 1843 a New York, installé à Londres à partir de 1876, naturalisé britannique quelques mois avant sa mort, le 28 février 1916 -, la collection La Pléiade s'attaque a son œuvre romanesque. Rassemblant quatre romans parus entre 1876 et 1881 dont il propose de nouvelles traductions, ce volume s'attache aux débuts, d'emblée passionnants et très vite éblouissants, de l'écrivain.»
Pénétrant
Philippe Barthelet, Valeurs actuelles (31 mars-6 avril)
« Cent ans après la mort de l'écrivain, la Bibliothèque de la Pléiade accueille ses premiers romans, premiers chapitres de ce qu'il considérait lui même comme le roman de son esprit.»