La Fontaine restera éternellement l'auteur des Fables. Sans doute parce qu'en chacun de nous survit quelque chose de l'enfant maussade qui ânonnait La Cigale et la Fourmi sur l'estrade d'une salle de classe. Il y a les Contes, aussi. Mais dans les Contes, les nonnes font des manières à la grille du couvent, les courtisanes sont amoureuses, les
cocus vont se percher dans les arbres : trop d'audace, peut-être, pour les écoles. Audace calculée cependant : lecteur de Boccace et de l'Arétin, «Arétin mitigé» lui-même (d'après Furetière), La Fontaine enveloppe les égarements du cœur et la faiblesse de la chair dans des voiles qui, naturellement, montrent plus qu'ils ne dissimulent. L'érotisme, déjà, est «là où le vêtement bâille».
Les fables, pourtant... «Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être.» Dans leur univers discrètement cynique, les faibles paient pour les forts, et les naïfs pour les roués. Proches de notre poésie – parce qu'elles traduisent en la sublimant la parole universelle –, elles ont parfois de riantes duretés. Elles répètent inlassablement qu'une fois passé le temps des amours il ne reste plus, des heures joyeuses, qu'un souvenir nostalgique et lancinant. C'est toujours trop tard, lorsqu'on a compris qu'elle a des bornes, que l'on mesure combien la vie est précieuse.
La présente édition est la seule à procurer l'intégralité des gravures originales des fables, dues à François Chauveau. En tête du volume, une notice sur les illustrateurs de La Fontaine, qui comprend 70 reproductions, analyse l'attrait qu'ont exercé, depuis le XVIIe siècle jusqu'à nos jours, les fables et les contes sur les artistes. On trouvera en appendice des textes de Houdar de La Motte, La Harpe, Chamfort et Taine, tous consacrés au fabuliste.