«"Diversité, c'est ma devise", devise de son œuvre, devise de sa vie. Il va "de fleur en fleur et d'objet en objet", promenant partout sa curiosité aussi prompte à se lasser qu'à s'émouvoir, et, au fond de son âme légère, sa mélancolie, son éternel ennui. Car voilà le secret de cette "humeur volage et qui ne saurait souffrir nul attachement", de cette "inconstance", de cette "inquiétude, qui me sont, dit-il encore, si
naturelles". Hoc se quisque modo fugit. À se pencher sur ce vide intérieur, le vertige le prendrait peut-être. Il s'essaie à tous les genres, tente mille aventures, se perd dans ses rêves ; il se fuit. À la fin de sa vie, il écrit à Maucroix : "Je mourrais d'ennui, si je ne composais plus." II avait bien près de soixante-dix ans quand Mme d'Hervart, sa Sylvie, reçut la lettre où Verger le peint au vif :
Je voudrais bien le voir aussi,
Dans ces charmants détours que votre parc enserre,
Parler de paix, parler de guerre,
Parler de vers, de vin et d'amoureux souci ;
Former d'un vain projet le plan imaginaire,
Changer en cent façons l'ordre de l'Univers,
Sans douter, proposer mille doutes divers ;
Puis tout seul s'écarter, comme il fait d'ordinaire,
Non pour rêver à vous qui rêvez tant à lui,
Non pour rêver à quelque affaire,
Mais pour varier son ennui.
Car vous savez, Madame, qu'il s'ennuie partout...
Vingt ans plus tôt, un janséniste le jugeait "mélancolique et de bon sens", le bon sens masquant, trompant la mélancolie. Mitton, qui fut à la fois l'ami de Pascal et de La Fontaine, put vérifier sur l'âme du poète ce que le moraliste écrit de l'inconstance et du divertissement...»
Pierre Clarac.