La Pléaide

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Document : correspondance autour des Nouvelles Orientales

Document : correspondance autour des Nouvelles Orientales

516 Orange Street
New Haven, Connecticut
20 novembre 1937

Cher Ami,
Mille mercis pour votre lettre, et pour la page spécimen des Nouvelles orientales. La mise en page me plaît beaucoup. Je vous renverrai les épreuves par le premier paquebot, après une révision rapide, et pourtant aussi sérieuse que possible.
La nouvelle « Le chef rouge » est tout à fait inédite. À l'époque où nous en avons parlé à Paris, ce n'était guère qu'un brouillon informe. Je l'ai mise au net et copiée dans le roulis des premières heures de ma traversée atlantique, et je suis heureuse que le résultat ne vous paraisse pas complètement déplorable. Bien entendu, ces quelques pages sont à la disposition de Marcel Thiébault [directeur de La Revue de Paris], si vous le jugez bon, et s'il peut les faire passer avant la publication en volume.
Ceci n'est qu'une lettre d'affaires, et je ne veux pas lui faire manquer le paquebot Queen Mary, qui part demain de New York. J'aurais aimé vous parler de l'Amérique, ce sera pour une autre fois, ou pour Paris à mon retour. Il faut pourtant vous dire que l'été indien est admirable, et que le paysage, en automne, arbore la livrée du Peau- Rouge, l'épiderme cuivré d'Atala. Et c'est aussi la saison du football, qui tient ici du carnaval, du cirque et du 14 juillet. Mais l'Europe est mille fois plus loin d'ici que la Perse, à laquelle je pense encore.
Dites à André [Fraigneau] que je pense à lui, et croyez, cher Ami, à mes sentiments très sympathiques et tout reconnaissants.
Marguerite Yourcenar

516 Orange Street
New Haven, Connecticut
États-Unis
2 janvier 1938

Cher Ami,
Je vous renvoie les épreuves des Nouvelles orientales accompagnées du bon à tirer. Je ne regrette pas ces doubles allées et venues qui ont permis une rédaction plus scrupuleuse du texte. À ce propos, puis-­je vous demander :
1) De faire remplacer les mots « mer de cobalt » par « mer de jade bleu » dans la dernière ligne, ou l’avant-­dernière ligne du deuxième conte : « Comment Wang-Fô… » J’avais oublié de faire ce changement, et ne m’en suis souvenue cette après-midi qu’après vous avoir renvoyé le paquet d’épreuves.
2) De faire remarquer au chef de fabrication que l’espacement des lettres est beaucoup trop grand, à l’intérieur de certains mots que j’ai soulignés. Je suppose qu’il doit y avoir moyen de remédier à ce défaut sans bouleverser les lignes, en donnant simplement un peu d’air aux mots voisins. C’est peu de chose sans doute, mais la présentation du livre est si belle que les moindres détails deviennent importants.

3) J’avais pensé vous prier de faire porter dès maintenant à Edmond Jaloux un exemplaire non broché, mais mieux vaut, je crois, ne le lui envoyer qu’une quinzaine de jours avant le service de presse, de peur que son article (s’il en fait un) paraisse trop tôt, au lieu de coïncider avec la mise en vente. C’est ennuyeux, et cela m’est déjà arrivé.
Je suppose que le volume paraîtra d’ici le 1er mai, c’est-­à-­dire avant mon retour. À tout hasard, je compte vous envoyer par un prochain paquebot des cartes de correspondance avec quelques mots pour les critiques ou écrivains à qui j’ai l’habitude de dédicacer moi-­même mes livres, et, pour le cas où certains de ces noms ne figureraient pas sur vos listes, chaque dédicace sera accompagnée d’une adresse.
Croyez, cher Ami, à mes sentiments tout sympathiques, et à mes sincères remerciements.
Marguerite Yourcenar
[Ajout autographe en haut de la lettre :] Ci-­joint un modèle de prière d’insérer dont vous pourrez peut-­être vous servir. Je m’en remets à vous pour tous les changements nécessaires.