De même que deux vers de Racine suffisent à reconnaître la main du maître, deux lignes de Sévigné signalent immédiatement le style, le savoir-faire, la langue inimitables de l’épistolière. Encline au libertinage intellectuel, réfractaire à l’endoctrinement, Mme de Sévigné (1626-1696) est le pur produit de la société du loisir lettré. Ses lettres témoignent de ce besoin de tourner toute chose en dérision : ses contemporains, dont elle excelle à fournir des portraits satiriques, comme elle-même. Par le détour du pastiche, de l’ironie et de l’humour, elle dresse un portrait de soi parmi les plus vivants, les plus audacieux et les plus émouvants de son siècle. Mais les lettres consacrées aux opérations militaires, à la révolte de la Bretagne, à l’exil des rois d’Angleterre ainsi que l’intérêt porté à la politique familiale des Grignan en Provence dévoilent aussi un engagement sur un terrain où les femmes étaient loin d’être les bienvenues. Par son rayonnement – de la vie mondaine à la sphère politique en passant par l’intime – et son ton unique, Mme de Sévigné fait souffler un vent de liberté dans le classicisme français.