«L'aristocratie était déjà morte quand j'ai commencé à vivre et la démocratie n'existait point encore ; mon instinct ne pouvait donc m'entraîner aveuglément ni vers l'une ni vers l'autre.» Comme Chateaubriand, Alexis de Tocqueville (1805-1859) a le sentiment d'appartenir à une génération de passage, et d'en tirer une lucidité théorique particulière. Toute son œuvre historique va alors s'attacher à comprendre les passions révolutionnaires.
Dès 1836, il dresse un tableau de l'État social et politique de la France avant et depuis 1789. En 1850, il jette sur le papier ses Souvenirs politiques de la Ile République, puis, face à la ruée vers le césarisme, et par un basculement du présent vers le passé, il entreprend de chercher dans la longue durée les racines du goût invétéré des Français pour la servitude. L'Ancien Régime et la Révolution (1856) est le premier volet de cette quête. Il est ici suivi d'Esquisses, pour l'essentiel inédites, qui permettent d'accéder à l'«atelier» de l'historien.
Mais Tocqueville ne comptait
pas s'en tenir là. Il avait mis en chantier un nouvel ouvrage, consacré à la Révolution proprement dite et à l'Empire. Cet ambitieux projet – il s'agissait de comprendre la Révolution «depuis ses origines jusqu'à la chute de l'Empire» – est resté inachevé. À partir de plans, de notes de lecture, d'ébauches, et de chapitres entièrement rédigés, ce projet interrompu par la mort a pu être reconstitué : les textes qui devaient y trouver place sont ici publiés – pour la première fois – sous le titre de Considérations sur la Révolution.