L'année 1664 est décisive pour Malebranche, parce qu'elle marque un premier aboutissement dans sa vocation religieuse, et la naissance de sa vocation philosophique : il est ordonné prêtre, et dans le même temps il découvre L'Homme de Descartes. Séduit par le spiritualisme cartésien, il ne peut admettre, pour autant, que la Raison soit créée. En bon oratorien, il corrige Descartes à l'aide de l'enseignement de saint Augustin ; au fil des traités, il élabore sa conception de la vision en Dieu, et sa théorie des causes occasionnelles.
Il se trouve bientôt à la tête d'une œuvre écrite en grande partie sous forme de dialogues, dont la profondeur n'est jamais source d'obscurité. Une œuvre qui dans son temps soulève les passions et provoque, au grand dam de son auteur, des polémiques d'une violence inouïe. Une œuvre pour aujourd'hui, aussi, parce qu'elle marque une étape décisive dans l'histoire de la pensée : en nous révélant de manière magistrale «l'autre face» du Grand Siècle, elle nous rappelle l'existence – auprès de la splendeur d'un Roi Soleil dont Nicolas Malebranche est l'exact contemporain – d'une autre lumière : celle de la foi, d'un autre pouvoir : celui de l'esprit.