Un être qui entre dans le mitan de son âge se penche sur son passé. Avec humour, ou amertume. Colette – dont ce volume rassemble les œuvres de la période qui va de 1929 à 1940 – fait les deux. Et elle change de mers : à celle du Nord agitée comme son être, elle va dorénavant préférer la Méditerranée au bord de laquelle elle s'installe le plus souvent pour écrire, à la Treille muscate. Il lui faut
maintenant un certain soleil, pour être.
Le passé, c'est essentiellement la mère morte. Sidonie Landoy va se métamorphoser en Sido. Abusive, envahissante, la mère réelle devient – ombreuse – un personnage inoffensif sur lequel l'écrivain peut désormais exercer son emprise et probablement se revancher. «Si le passé se détache de nous, c'est qu'il est mûr.» Il faut à l'évidence que Colette hâte ce mûrissement et dise adieu au «noir garçon à la peau de satin» (La Fin de Chéri). Restent les charmes ambigus du Pur et de l'Impur où, à La Naissance du jour surgit un fantomatique adolescent – qu'on n'attendait pas vraiment – mais qu'on accueille lorsqu'il franchit la haie mitoyenne parce qu'il vient apaiser la chair mortelle. Les faunes cependant s'évanouissent
et il faudra même aller jusqu'à quitter L'enfant et ses sortilèges. Car le deuil de la mère impose qu'on dise adieu à cet enfant-là, qu'on ne sera jamais plus, puisque cet enfant est mort avec la mère morte. Colette fait toutefois encore un peu La Chatte dans des Aventures quotidiennes, pour découvrir que les «femmes jeunes sont bêtes», malgré leurs fards rose-canaille ou bleu-de-meurtrissure. Redoutant les désastres du temps, elle ira jusqu'à ouvrir une officine qui «ragrée» le visage de celles dont on partage
l'effroi de vieillir. Et elle leur lance : «Allez plaire, allez aimer, allez nuire – allez jouer! » Encore.