Le roman du colonel de Maumort est une œuvre monumentale restée inachevée. Roger Martin du Gard en souhaitait cependant la publication. La partie du roman déjà au point et les textes qui la complètent et l'accompagnent sont révélés pour la première fois dans ce volume de la Pléiade.
Martin du Gard a travaillé à ce roman de 1941 à sa mort, en 1958. Son héros, Maumort, né en 1870, mort vers 1950, aurait participé à la conquête du Maroc, fait la guerre de 1914-1918, et aurait organisé la Résistance dans le Lot, pendant
l'Occupation.
Vingt-deux chapitres sont achevés. On y assiste à la jeunesse et à la formation intellectuelle et sentimentale du héros.
D'abord à la campagne, dans le Perche. Puis à Paris où il est hébergé par un oncle qui fréquente tout ce que l'Université et l'Institut comptent de grands hommes : Renan, Leconte de Lisle, Berthelot...
Des fragments se rapportent à des épisodes ultérieurs et
évoquent Lyautey, la défaite de 40, l'Occupation. Il y a aussi une tentative de nouvelle rédaction du roman, par lettres cette fois. Plus ce que Martin du Gard appelait «la boîte noire», qui contenait des notes sur les idées politiques, morales, religieuses de Maumort, et qui devait lui servir à bien cerner le caractère de son héros.
Dans ce vaste ensemble d'inédits, on retrouve le Martin du Gard des Thibault, avec son don de créer des personnages auxquels on s'attache, et aussi son intelligence, sa tolérance, son honnêteté. Pour la première fois, sans doute, parce que les temps avaient changé et parce que son autorité personnelle d'écrivain était devenue incontestée, Martin du Gard aborde avec une liberté complète les problèmes de la sexualité, et notamment ceux de l'homosexualité. Une des grandes idées du roman est que tout homme a deux vies, sa vie sociale et sa vie secrète, qui est sa vie sexuelle. Faute de connaître la seconde, on ne connaît généralement pas les gens, même les plus proches.