François, duc de la Rochefoucauld (1613-1680), pair de France et frondeur par un « ver rongeur de princerie », fouaille le vrai par rage ou par désespoir, convaincu que « l’esprit est toujours la dupe du coeur ». Sa lucidité glacée s’exerce sur la comédie du monde, scène dérisoire où les vices sous masque de vertus mènent le branle. Inlassablement le moraliste interroge cette matière changeante qu’est l’homme : les Mémoires quêtent du sens pour un moi égaré entre le vain désir de la gloire et l’ombre amère des défaites ; les Maximes jettent de brefs et cruels éclairs sur la condition humaine. Cette œuvre rêve mélancoliquement d’un homme qui eût osé être vrai et libère une lumière noire, celle d’un janséniste oublieux du salut, ou peut-être celle d’un grand seigneur libertin constatant avec douleur que les passions ne sont que « les divers degrés de la chaleur et de la froideur du sang ». (É. L.)