La Pléaide

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Un siècle NRF

Un siècle NRF

Le comité de lecture. Dessin de Georges Lemoine

Le comité de lecture des Éditions Gallimard est institué en 1925. Avec l’essor de la Maison, les propositions de textes affluent, de tout genre ; aujourd’hui, quelque 6 000 manuscrits sont reçus chaque année par l’éditeur. Le comité est le lieu où la dimension collective de la NRF se manifeste. De nombreux lecteurs préparent en amont son travail de sélection ; les manuscrits, notés de 1 (à publier) à 3 (à refuser), y passent de main en main, jusqu’à ce qu’une décision définitive puisse être prise par Gaston, puis Claude et enfin Antoine Gallimard.
Mais le comité n’a jamais été le seul véhicule du choix éditorial. Raymond Queneau note en 1948 que, hors «Série noire», seuls un tiers des livres édités dans l’année y ont fait l’objet d’une délibération.Outre les membres de la famille Gallimard (aujourd’hui Antoine et sa soeur Isabelle) et leurs secrétaires, les personnalités les plus assidues au comité auront été Benjamin Crémieux, Ramon Fernandez, Bernard Groethuysen, Jean Paulhan, Marcel Arland, Raymond Queneau, Jacques Lemarchand, Albert Camus, Jean Blanzat, Roger Caillois, Dominique Aury, Georges Lambrichs, Claude Roy, Michel Mohrt, Michel Deguy, Jean Grosjean, Roger Grenier, Michel Tournier, Jean-Bertrand Pontalis, Pascal Quignard, Jacques Réda, Philippe Sollers, Jean-Marie Laclavetine... Les membres du comité de lecture sont principalement recrutés parmi les auteurs et éditeurs de la Maison. Patrick Modiano y verra une difficulté, qui renoncera à sa fonction en octobre 1981 : «Moralement, il m’était impossible de mener à la fois les deux activités d’une manière étanche. Je crains de perdre confiance et d’éprouver un sentiment de découragement au moment de prendre la plume... Après tout, est-ce tellement mieux ?»

 

Traducteur de « romans d’aventures » américains, Marcel Duhamel, ami de Jacques Prévert, rencontre Michel Gallimard en 1944. De leur bonne entente naît, en septembre 1945, la « Série noire », dont les trois premiers titres sont traduits par Duhamel : La Môme vert-de-gris et Cet homme est dangereux d’Horace McCoy et le sulfureux Pas d’orchidées pour Miss Blandish de James Hadley Chase.
Gallimard est en terrain connu : à son catalogue figurent déjà les œuvres de James Cain et de Dashiell Hammett, père de ce roman noir anticonformiste. Missionné à Londres début 1945, Duhamel signe des contrats pour les œuvres de Peter Cheyney, Raymond Chandler, Don Tracy...
La collection prend son essor en 1948 sous l’impulsion de Claude Gallimard, qui lui associe une « Série blême », vouée aux romans à suspense. La « Série noire » suit alors les évolutions du genre, s’ouvrant aux romanciers français, avec Arcouet, Amila, Simonin, Le Breton, Giovanni, Ryck...

Duhamel a fait de cette collection un mythe ; il la dirigera jusqu’à sa mort en 1977, assisté de Robert Soulat, son successeur. Le roman noir français y fera sa mue, sociale et politique, au début des années 1970, dans le sillage de Manchette, ouvrant la voie à des auteurs comme Hervé Prudon, Jean-Bernard Pouy, Thierry Jonquet, Didier Daeninckx, Tonino Benacquista ou Daniel Pennac – lequel sera le premier auteur à passer de la «Série noire» à la collection Blanche... Il reviendra à Patrick Raynal, éditeur de Jean-Claude Izzo et de Maurice G. Dantec, de donner à la «Série noire» une dimension plus internationale, avant que la collection ne quitte en 2005 l’univers du poche pour prendre un nouveau départ.

La Série noire. Dessin de Georges Lemoine