À la sortie de la guerre, Gaston Gallimard dispose désormais de toute la latitude nécessaire pour concrétiser ses projets, transformant le modeste comptoir expérimental dirigé par un collectif d’auteurs en une entreprise éditoriale s’appuyant sur une trésorerie consolidée. Après avoir racheté l’imprimerie Sainte-Catherine à Bruges, il ouvre d’une librairie boulevard Raspail, recrute du personnel, prépare l’installation des Éditions dans des locaux plus vastes et diversifie ses publications. Le prix Goncourt de 1919 est de bon augure, tandis que la revue, relancée le 1er juin 1919, renforce son assise sous l’égide de Jacques Rivière bientôt secondé par Jean Paulhan. Apte à gérer avec habileté les relations souvent complexes, parfois difficiles, avec des auteurs aux personnalités variées, à prendre en charge le suivi éditorial d’un livre et à se faire comprendre à la fois par les imprimeurs et les libraires, Gaston Gallimard, qui sait aussi s’entourer, a l’envergure d’un grand éditeur. Grâce à une politique éditoriale moins exclusive et plus rémunératrice, permettant de financer la création en pariant sur des auteurs alors méconnus (Michaux, Ponge, Aragon, Artaud…) et en laissant à leur œuvre le temps de s’imposer auprès des lecteurs, la Librairie Gallimard composera l’un des catalogues littéraires les plus importants du siècle.