« Ce que nous aurons connu sur notre arpent de terre, dans notre bande de temps, dans le petit être qu'il nous a été assigné d'habiter, c'est le métier des gens comme moi d'en rendre compte. »
Né en 1957, cinéphile averti, Emmanuel Carrère est entré dans l’écriture comme critique de cinéma (Positif, Fiction, Télérama) avant de passer à la fiction, avec son premier roman L’Amie du jaguar (1983), inspiré de son expérience en Indonésie comme coopérant (1980-1982). Avec ses romans suivants (La Moustache, 1986), Hors d’atteinte (1988), La Classe de neige (1995), il élabore un premier cycle d’écriture labyrinthique, dominé par la folie, la perte d’identité et le mensonge. C’est avec l’affaire Romand en 1993 qu’un tournant s’opère : le recours à un schéma narratif unique entremêlant travail documentaire et récit autobiographique s’impose désormais à lui, depuis L’Adversaire (2000) jusqu’à Yoga (2020), en passant par Un roman russe, D’autres vies que la mienne, Limonov, Le Royaume…
Virtuose touche-à-tout, Emmanuel Carrère publie tout au long de sa carrière chroniques et reportages, tient un temps la gazette judiciaire à L’Événement du jeudi, suit le procès des attentats du 13 novembre 2015 pour L’Obs (V13, P.O.L, 2022). Scénariste, il participe à l’adaptation de ses propres romans (L’Adversaire par Nicole Garcia, La Classe de neige par Claude Miller), se fait cinéaste avec Retour à Kotelnitch (2002) et La Moustache (2005), et réalise en 2022 une libre adaptation du Quai de Ouistreham de Florence Aubenas.
Écrivain, réalisateur, reporter, Emmanuel Carrère élabore depuis plus de quarante ans une œuvre majeure de la littérature contemporaine, multirécompensée, explore une forme qui lui est propre, mélange d’autofiction et de documentaire, d’expérience intérieure et de description du monde.
Autour d’un choix de romans et récits, d’articles et de reportages (de 1981 à 2016) – rares ou difficilement accessibles –, Emmanuel Carrère retrace ici, documents personnels et archives à l’appui, son parcours, ses talents oubliés, ses rencontres, ses « vies » et celles rencontrées, imaginées, toutes ces « vies minuscules » qu’il dépeint avec un rare talent, et qui montrent combien, dans l’ensemble de son œuvre, fiction et réalité se mêlent au point de ne former plus qu’un.