« “Il y a trois façons de se sentir en vie, vraiment vivants : être en amour, être en littérature, être en analyse.” Cette phrase de Julia Kristeva me revient au moment de composer ce volume qui incite à trouver une continuité, sinon un sens, à une suite de romans écrits parfois il y a plus de trente ans et rarement relus. Pour se repérer dans le labyrinthe, c’est le fil du désir qu’il faut tirer, et lui seul. Le désir, mot aimé, mot aimant, mot qui m’aimante, s’entend ici dans son acception la plus large et la plus précise, celle de son étymologie. Désirer, c’est-à-dire se dé-sidérer, sortir littéralement de la sidération, de l’immobilité peureuse qui nous empêche de vivre. Mes romans et récits obéissent tous au même élan, ils témoignent chacun à sa manière d’un mouvement continu pour défier le côté mortifère de la vie. Leurs personnages, des femmes souvent, cherchent plus ou moins timidement l’autre côté, l’envie de vivre, l’énergie vitale, ils montrent une sorte d’acharnement au désir. Ils se rêvent en inventeurs d’un trésor. Ce choix de textes se veut un kaléidoscope. L’amour, les livres qu’on lit, ceux qu’on écrit, le besoin de comprendre y donnent leurs principales couleurs aux fragments qui le composent, dont l’agencement renouvelé n’a qu’un seul but : créer une belle forme au fond de la lorgnette où l’œil se colle. »
Écrire, pour Camille Laurens, c’est enfreindre la loi du silence – et la recommandation familiale, celle de se taire. Écrire, c’est jouer avec la richesse des mots et les circonvolutions de la langue. Écrire, c’est sa réponse à un désir impérieux, celui de vivre et d’être en vie.
Par les documents personnels et le choix d’entretiens, s’érige un pont entre vie et écriture, fiction et réalité, présence et absence, véritable fil d’Ariane tendu au lecteur, destiné à déambuler dans l’œuvre « labyrinthique » de Camille Laurens, depuis son premier roman Index (1991) jusqu’à Fille (2020).