«Dans son théâtre, l'extraordinaire équilibre de ses facultés lui permet d'habiter tour à tour Faust et Méphisto, Iphigénie et Thoas, Le Tasse et Antonio ; même, ou peu s'en faut, l'inexorable duc d'Albe, ainsi que le libre, que le trop libre Egmont ; c'est-à-dire aussi bien les représentants de ce que l'âme humaine épanouit de plus généreux, et ceux de l'ordre qui tempère. Ordre, lois, convenances, société établie, discipline des instincts fougueux, trouveront en lui de quoi les comprendre, les approuver. Mais comme il comprend également tout Ie reste, à la fois la passion et ce qui méritera de surmonter celle-ci sans l'étouffer, aussi bien la révolte que son assagissement, la cause de l'individu que celle de l'État, c'est du conflit entre ces forces rivales que s'alimentera son œuvre, et principalement son théâtre ; avec cette grandissante sérénité qu'obtient en dernier ressort l'ordre vainqueur. Un ordre qui n'aura rien lésé, rien supprimé ; qui tiendra compte de tout, de chacun dans la mesure où son aisance particulière ne peut plus nuire ; en mettant tout à sa vraie place.»
André Gide.