Au milieu d’un monde qu’il pensait finissant, à l’orée d’un siècle qu’il croyait plus que d’autres troublé, un sage proposa des idées neuves qui permirent de redéfinir les relations entre les hommes, de fonder une morale stricte et de conduire les États vers le bien. L’écho de sa pensée fut si large et durable que, quoiqu’on l’eût dit «sans couronne», Confucius (~551-~479) régna, par sa doctrine, sur un monde qui passa en gloire et en durée celles de bien des empires. Ses idées se répandirent au-delà de la Chine, imprégnant les esprits comme les institutions. Confrontées à des obstacles redoutables, elles ne cessèrent pourtant d’avancer, vague après vague, comme une marée montante, et finirent par atteindre les bords de l’Occident. Il y eut aussi des reflux, dus à l’émergence de croyances plus neuves ou plus puissantes, mais le confucianisme sut reprendre ensuite ses prérogatives, dans la société comme dans l’État.
Ce volume envisage un état des lieux de la pensée confucianiste ancienne, telle qu’elle fut conçue puis se cristallisa au seuil de l’Empire, avant de connaître une véritable transmutation en réaction à la montée du bouddhisme et du taoïsme. On s’est donc attaché à regrouper les principaux auteurs qui ont prolongé la pensée de ce Maître (formulée dans le Lunyu, «Les Entretiens») et se sont disputé l’interprétation de ses dialogues et de ses aphorismes pour constituer un système à deux branches : celle de Meng zi (ou Mencius, ~385-~301) et celle de Xun zi (~310-~235). On propose, de surcroît, trois grands textes presque aussi fondateurs – La Grande Étude, La Pratique équilibrée (autrefois traduit sous le titre L’Invariable Milieu) et Le Classique de la Piété filiale –, pour rendre compte des idées en présence dans la Chine d’avant l’Empire. En tout six ouvrages – certains traduits en français pour la première fois –, qui forment le socle sur lequel s’est bâtie, au long des siècles, l’école de Confucius, marquée, de ses débuts à nos jours, par un humanisme de fond, et n’excluant pas, loin s’en faut, les contradictions et les querelles.
Au moment où la Chine croit pertinent, voire urgent, de redécouvrir l’œuvre du «vénéré Maître Kong», Kong Fuzi, l’Occident lui-même éprouve à nouveau de l’intérêt pour le père de la philosophie chinoise et pour certains de ses héritiers. L’enracinement de ce mouvement de pensée dans l’histoire et la société chinoises ne fait pas simplement de lui un «produit» intellectuel nécessaire à la compréhension de ce monde-là. Le confucianisme est un système potentiellement universel et, pour partie, intemporel. Et c’est sans doute parce qu’il fut une sagesse avant d’être une philosophie qu’il s’adresse non seulement à chaque Chinois, mais à chaque homme.