Beaumarchais ou le génie des contrastes. ou l'art de décourager toute définition. D'une part, l'auteur en liberté d'un théâtre dit «de société», où l'obscénité s'ajoute à la fantaisie verbale la plus débridée. D'autre part, l'héritier de Diderot, l'auteur contraint de drames «sérieux» et bourgeois dont nous retenons aujourd'hui des préfaces-manifestes reprenant avec une rigueur plus grande, les idées de l'illustre devancier. D'une part, ce discours de l'insolence : Figaro. D'autre part, cette douloureuse expression de la difficulté d'être dans un ordre moral : Eugénie ou Rosine la mère coupable. Et pour nous, pour la critique, la volonté d'associer ces contraires, la nécessité d'affirmer que drame et comédie sont les deux faces d'un même talent, que la personnalité de cet homme est toute d'oppositions, que sa vie est paradoxe, que ses noms eux-mêmes - le bourgeois Caron et l'aristocratique Beaumarchais - semblent vouloir concilier l'inconciliable.
En écho à l'étonnante diversité de l'œuvre dramatique, on lira (pour la première fois dans une édition annotée) les mémoires judiciaires. Un commun dénominateur : l'absence de complaisance. Ici et là, un même bonheur d'écriture, une même sensibilité, un même esprit.
Il faut désormais admettre que Beaumarchais n'est pas seulement Figaro, parce qu'il faut garder présents à l'esprit ses mots, qui expliquent l'étrange entreprise que fut sa vie : «Vivre, c'est combattre. Je m'en désolerais peut-être, si je ne sentais en revanche que combattre, c'est vivre.»