Le tome III de cette édition offre au lecteur trois œuvres maîtresses de Gobineau, dont les dix dernières années furent sans doute, au plan intellectuel, les plus fécondes de sa vie.
En 1872, l'auteur de l'Essai sur l'inégalité des races humaines a cinquante-six ans ; accablé, comme Flaubert, par la bêtise universelle, il se veut, plus que jamais, le héraut du désespoir. Mais l'heure n'est plus aux grandes constructions théoriques ; c'est par la fiction que Gobineau entend désormais prolonger sa réflexion : le roman des Pléiades, le recueil des Nouvelles asiatiques, les scènes historiques de La Renaissance sont des projections dans l'imaginaire des thèses autrefois exposées sous forme d'essais.
Ainsi, dans Les Pléiades, s'exprime l'obsession de la décadence où s'enfonce l'humanité. Au sein de la médiocrité, quelques êtres hors normes, les «fils de roi», sont les champions d'une cause qu'eux-mêmes savent perdue. Modèles inaccessibles, ils ne peuvent faire échapper l'univers à la déchéance promise.
Qu'on ne s'y trompe pas, cependant : Gobineau, à qui Barbey d'Aurevilly reconnaissait «de l'ironie, de la contradiction, du paradoxe», se soucie peu de démontrer systématiquement. Les Pléiades est aussi un roman d'amour fou, l'une des Nouvelles asiatiques transpose dans une atmosphère de Mille et Une Nuits l'aventure sentimentale que l'auteur est en train de
vivre, et La Renaissance, réinvention passionnée d'une période exceptionnelle, peut prendre des aspects d'émouvante
confidence : à sa mort, en 1882, Gobineau laisse une des plus grandes œuvres du romantisme flambloyant.
Lors de l'établissement de cette édition, on a eu accès, aussi souvent qu'il a été possible, aux manuscrits autographes de l'auteur; textes sûrs, donc, auxquels s'adjoint une annotation précise. Notons enfin que le plus large public pourra désormais lire La Renaissance qui était, depuis plusieurs dizaines d'années, pratiquement introuvable.