Leskov n'a pas encore dans la littérature mondiale la place qu'il mérite. Cet écrivain original, à la verve inépuisable, nous montre la vie russe
sous ses aspects les plus variés. Appelé par ses occupations à voyager à travers toute la Russie, il fut vraiment mêlé au peuple et étudia inlassablement ses mœurs et son langage.
Le recueil présenté ici réunit des œuvres d'époques très différentes, qui s'échelonnent de 1865 à 1892 : deux romans, Gens d'église qu'admirait tant Gorki, Une famille déchue dont l'action commence en 1812, au moment où se termine Guerre et Paix, et quelques nouvelles, choisies pour être traduites parmi des dizaines d'autres : Lady Macbeth, Platonide et Cotin, L'Ange scellé, Le Vagabond ensorcelé, L'Artiste en postiches et Le Bêta. Nous nous y trouvons de plain-pied avec le peuple russe, passionné, endurant, mystique, nomade, révolté ou résigné, capable à la fois d'assumer le malheur et de savourer la moindre joie et toujours étonnamment accordé à la vie.
Rédacteur du Contemporain, puis des Annales de la Patrie, Saltykov-Chtchédrine (1826-1889) incarna l'intransigeance de ces «radicaux» russes qui préparèrent la Révolution. Polémiste redouté, il consacre toute son énergie au journalisme. Une grande part de son œuvre a vieilli, mais deux de ses livres gardent toute leur force : les Golovlev, où il montre, au-delà de l'agonie d'une famille de hobereaux, la mort d'un monde et d'une morale ; l'Histoire d'une ville, terrible pamphlet lancé contre l'autocratie russe, et dont plus d'un trait peut sembler prophétique.