Ce que cherche Morand dans ces «éternels tropiques», c'est un goût passionné pour les voyages, la suppression des frontières, le brassage des cultures et des races. L'écrivain masque des êtres qu'on prendra pour lui. Ce qui l'agacera : «Que met-on dans ses livres? Ce qu'on n'est pas et ce que l'on voudrait être, comme dans les rêves. Les livres sont des désirs refoulés, des actes manqués.» Multipliant les approches, l'auteur affublera son personnage de masques successifs dont on ne saura jamais quel est le véritable. Aucun sans doute, car les Tropiques sont tristes et les femmes trop pâles sont déjà les mortes qu'elles seront : «Paule est toute blanche. Elle en remet.» Incapables d'aimer, elles se donnent par ennui ou par hygiène. «Sous les apparences familières, apparaît un autre être, si différent qu'il décourage tout espoir de vraie connaissance et de possession totale», note Michel Collomb. Le cosmopolitisme de Morand ne serait-il pas, au fond, l'érotisation du voyage? Au moment même où Morand coulera ses nouvelles dans un moule historique – pour tenter une impossible objectivité –, son imagination le trahira qui le conduira fantastiquement vers des au-delà dont on n'exige pas que l'auteur les justifie, et la peau de la belle créole «retournera au noir», ruinant ainsi toutes ses tentatives d'assimilation. Comme les nouvelles de Morand, ouvertes sur la Nuit.