«Toute lecture digne de ce nom se doit d'être absorbante et voluptueuse», écrit Stevenson dans À bâtons rompus sur le roman. Les œuvres rassemblées dans ce deuxième volume, écrites pour la plupart au cours de l'errance à laquelle la quête de climats propices à sa santé oblige désormais Stevenson, ont à cœur de répondre à cette injonction et jouent de toutes les facettes du romanesque : Enlevé ! se transporte dans les Highlands, où il file ventre à terre ; La Chaussée des Merry Men a pour décor un îlot d'Écosse battu par les vagues ; La Flèche noire relate des «Aventures au temps de la guerre des Deux-Roses» ; Le Grand Bluff, pastiche plein de fantaisie, navigue plutôt entre romance, enquête policière et sensationnel ; Le Maître de Ballantrae, chef-d'œuvre incontestable de cette période, multiplie les sauts de puce entre l'Ancien et le Nouveau Monde, l'Écosse, l'Inde et l'Amérique ; quant au Pilleur d'épaves, première fiction inspirée par les mers du Sud - on sait que Stevenson finira ses jours aux Samoa -, l'auteur semble y récapituler toute sa trajectoire passée. Pas un personnage, dans ces romans où le thème du double est toujours présent, qui ne soit fasciné par qui se montre plus exalté, plus retors, plus séduisant que lui. Entre peur et exultation, le lecteur, qui joue à être le héros du récit, renoue avec des sensations d'enfance qu'il croyait perdues ou pensait émoussées...