L'Essai sur les Révolutions et le Génie du christianisme sont deux œuvres surprenantes qu'on ne dirait pas sorties de la même plume, tant elles sont faites d'oppositions. Ce sont les deux premières publications de Chateaubriand, et la seconde semble la réfutation de la première. Elles divergent dès leur naissance et dans leur destin. Écrit à Londres par un émigré besogneux et solitaire séduit d'abord par le rêve de 1789, puis effrayé de certaines conséquences, l'Essai sur les Révolutions passa presque inaperçu. S'il fit, comme le dira son auteur, du bruit dans l'émigration, ce fut le bruit d'un scandale, qu'on amortit bien vite. Le Génie du christianisme, au contraire, connut avant même sa publication un succès qui dure encore à notre époque. Achevé à Paris par un écrivain qui marchait dans la cohorte du Premier consul, il s'accordait parfaitement avec la situation politique de l'heure et le désir des Français. Cinq ans seulement séparent ces deux écrits. Ce peu d'années a suffi pour que Chateaubriand passe de l'incertitude et du désespoir aux certitudes d'un ordre social qui s'organise, de l'irréligion à la religion.