À la différence de la langue française, la langue espagnole ne sépare pas l'identité sémantique des mots de leur rythme, de l'accent dit tonique, qui met fortement en relief l'une des syllabes et laisse les autres en demi-sourdine. De ce fait, la prosodie des mots castillans est déjà une métrique : elle découpe et rythme la chaîne parlée, organise la syntaxe et l'ampleur des périodes, à tel point que c'est à l'aune d'un vers, l'octosyllabe, qu'on évalue la mélodie dominante de la prose. Le lieu véritable de l'histoire de la poésie espagnole est là, dans l'évolution de l'écoute accordée aux différents rythmes des mots et des mètres comme si, de la symphonie prosodique, n'étaient perçus - d'une époque à l'autre - que des accords un instant préférés, des mesures à la recherche de la mesure originelle et du rythme total, sans cesse perdus et sans cesse retrouvés, du grand cantique de la langue.
Cette troisième anthologie bilingue publiée dans la Pléiade réunit des textes qui vont du XIe siècle au XXe siècle. La directrice de ce volume a retenu les textes canoniques, passés dans le patrimoine littéraire espagnol et européen. On y retrouvera le nom des poètes les plus célèbres, mais aussi celui d'auteurs moins connus, ayant fait l'objet d'un choix, arbitraire, celui de la séduction et du désir de faire connaître, celui du partage. Enfin, les traductions proposées ici sont, pour la plus grande partie, entièrement nouvelles.