«Paul Verlaine est mort relativement jeune, dans sa cinquante-deuxième année. Il est difficile de concevoir existence plus fertile en événements, catastrophes et coups du destin. Il a participé aux batailles littéraires de deux générations – parnassiens, décadents-symbolistes ; il a séjourné en Belgique et en Angleterre et est retourné dans ces pays pour des conférences, ainsi qu'en Hollande ; il a été fonctionnaire à Paris, professeur dans plusieurs écoles anglaises et dans un collège ardennais, cultivateur près de Rethel ; il a fait plus de vingt séjours dans des hôpitaux parisiens et deux "villégiatures" en prison, dont l'une excédant dix-huit mois. Il a écrit trente volumes de vers et huit de prose ; il a frôlé la sainteté et s'est vautré dans la luxure ; il a connu la misère et la gloire.
Pour illustrer cette incroyable vie, il faudrait beaucoup plus de documents que n'en peut contenir un Album de la Pléiade. Nous avons dû faire un choix et nous limiter à des évocations caractéristiques. Naturellement, c'est vers la fin, après son élection au titre de Prince des poètes (1894), qu'abondent les portraits. Tous sont attachants, mais ils n'épuisent pas le mystère de cette physionomie attirante et inquiétante. C'est que Verlaine n'est pas un personnage simple, il est double et souvent triple ; sa biographie forme une symphonie où se heurtent violemment des thèmes contradictoires, avec accompagnement d'éclairs, d'orages et de délires dus à l'absinthe, aux apéritifs et à la bière du Nord qu'il supportait mal. [...] Il reste de lui de bonnes photographies, dès sa jeunesse, et nous avons la chance qu'il eut des amis sachant dessiner : Ernest Delahaye, spontané et malicieux, Germain Nouveau, Henry Cros et surtout Frédéric-Auguste Cazals, qui a laissé de lui près de cent cinquante portraits, croquis au crayon, à la plume, à la sanguine ou au lavis. [...]
Ces divers apports permetttent de présenter de l'auteur de Sagesse une iconographie riche, variée, vivante.»
Pierre Petitfils.