«"Le plus grand des Français", comme l'a appelé Julien Green, est aussi sans doute celui dont l'iconographie est le moins abondante. [...] Sans le fameux masque mortuaire et les illustrations peintes, dessinées et gravées auxquelles il donna naissance, le visage de l'auteur des Provinciales et des Pensées nous serait resté inconnu. [...] Une seule épave est parvenue jusqu'à nous – mais quelle épave! –, le manuscrit des Pensées et de divers écrits qui s'y rapportent plus ou moins. Alors que la plupart des grands manuscrits de notre XVIIe siècle n'ont pas été conservés, la piété des Périer envers celui qu'ils considéraient comme leur "saint" a sauvé et transmis un texte sans lequel nous ne connaîtrions pas le génie de Pascal – il y a loin, on le sait, entre l'édition princeps des Pensées et le manuscrit de leur auteur – et sans lequel aussi nous ne connaîtrions l'homme qu'encore plus imparfaitement. Plus que dans un portrait, Pascal est là, dans la graphie, dans la disposition des lignes, dans les ratures et dans les additions du Mémorial, du Mystère de Jésus et de tels fragments comme ceux qu'on appelle les "Deux infinis", le "Pari", ou la prosopopée de la Sagesse de Dieu. Pour être moins attirants que des images de l'être qu'il fut, ou des êtres que furent son père, sa mère, ses sœurs, sa servante, ses proches ; pour nous évoquer moins son existence que les vues de ses maisons ; ces lignes, tracées d'une plume fougueuse ou réfléchie, nous restituent, mieux qu'un document, Pascal et nous permettent de le comprendre mieux.»
Bernard Dorival.